453e édition de La Soupe au caillou
Budget du Québec 2021-2022: Comme une gifle pour les personnes en situation de pauvreté
mars 3, 2021
Budget du Québec 2021-2022 – Comme une gifle pour les personnes en situation de pauvreté
Le ministre des Finances, Eric Girard, a déposé son troisième budget jeudi dernier. Ce qui concerne les personnes en situation de pauvreté tient en deux paragraphes.
Prestations spéciales
Une somme de 18,5 millions $ sur cinq ans a été budgétée pour la majoration et l’indexation de certaines prestations spéciales auxquelles ont droit les personnes assistées sociales.
Lesquelles? Il est question de la prestation spéciale pour l’achat de préparation lactée, qui n’avait pas été indexée depuis 1994. Mais pour le reste, on sait seulement qu’il s’agit de prestations liées à la santé et qui n’ont pas été indexées depuis 2006.
Pourtant, des prestations spéciales non indexées depuis des années, ce n’est pas ce qui manque ! Certaines, comme la prestation pour un déménagement, celle pour un incendie ou une catastrophe naturelle ou celle pour un séjour en maison d’hébergement pour victimes de violence, n’ont pas été indexées depuis 1989 !
Logement social
Alors que la ville de Montréal demandait 1500 logements sociaux et que la ville de Québec en demandait 500 par année pendant cinq ans ; alors que les regroupements communautaires en habitation réclamaient 5000 logements sociaux juste pour la prochaine année et le FRAPRU, lui, 50000 en cinq ans, le gouvernement en a annoncé 500 pour les quatre prochaines années et pour tout le Québec.
Oui oui, vous avez bien lu !
Maître mot
Le budget 2021-2022 vient confirmer que le maître mot du gouvernement du Québec en matière de lutte contre la pauvreté est : indifférence. Voilà peut-être ce qui explique son besoin d’en appeler à la résilience dans le titre même de son budget : « Un Québec résilient et confiant ». Ce que ce titre dit aux personnes
en situation de pauvreté, au fond, c’est qu’elles sont aussi bien de développer leur résilience, c’est-à-dire « l’aptitude à affronter un stress intense et à s’y adapter», parce que le gouvernement n’a pas l’intention de leur venir en aide.
Assistance sociale — Des nouvelles en vrac
L’assistance sociale a défrayé souvent la chronique ces dernières semaines. Ce qui suit est un résumé de ce qui s’est dit et de ce qui s’est fait – ou pas.
Contournement
Parmi les rares (et timides) mesures prises par le ministre Jean Boulet depuis le début de la pandémie, on retrouve la suspension des retenues sur les prestations des personnes ayant une dette auprès du Ministère. Or, malgré ce moratoire, des personnes assistées sociales ont vu une partie de leurs revenus retenue cet hiver. Revenu Québec a coupé non pas leur prestation, mais leur crédit d’impôt pour solidarité – de moitié.
Cherchant à rendre la honte moins honteuse, le ministre Boulet, après avoir assuré que cela ne se reproduira plus, a annoncé que la suspension des activités de recouvrement était prolongée jusqu’au 30 juin.
Les personnes assistées sociales ayant subi une coupe en dépit du moratoire ne doivent pas s’attendre à récupérer les sommes indûment perçues. Le cabinet du ministre a fait savoir qu’il n’y aura aucun remboursement. Ce qui ne l’empêche toutefois pas de déclarer que « Le Ministère et Revenu Québec sont sensibles aux difficultés vécues par les Québécoises et les Québécois dans le contexte de la pandémie ».
Autres prolongations
Alors que la crise de la COVID-19 s’éternise, le ministre Boulet prolonge d’autres mesures d’assouplissement pour les personnes assistées sociales. Les allocations pour contraintes temporaires ou sévères à l’emploi qui viennent à échéance d’ici le 30 juin prochain sont reconduites automatiquement. Les personnes concernées n’ont donc pas à fournir une nouvelle attestation médicale d’ici là.
Jusqu’au 30 juin également, recevoir pour plus de 100 $ en dons par mois n’aura aucune incidence sur la prestation du mois suivant.
Même en cessant d’être admissibles à l’assistance sociale en raison de prestations versées par le gouvernement du Canada (PCU, PCRE, PCMRE), les personnes peuvent continuer de bénéficier de la gratuité des médicaments, de services dentaires et, dans le cas des personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi, de certaines prestations spéciales.
Enfin, les personnes à la Solidarité sociale dont les avoirs liquides dépassent la limite normalement permise ne seront pas pénalisées si ce dépassement est dû à une situation ayant un lien avec la pandémie. Source : tinyurl.com/MTESS100321
COVID-19 et frais de transport
Les personnes assistées sociales qui doivent engager des dépenses pour se rendre à un centre de vaccination peuvent se faire rembourser ces dépenses. Pour connaître la procédure, les personnes doivent communiquer avec leur agent·e.
Otages
Les soins de denturologie des personnes assistées sociales sont couverts par la Régie de l’assurance-maladie du Québec. Les montants que la Régie alloue aux denturologistes et aux dentistes pour ces soins n’ont toutefois pas été indexés depuis 2013. Les denturologistes demandent une nouvelle entente avec le gouvernement. En vain.
Des denturologistes du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie se sont concerté·e·s et ont décidé de ne plus soigner les personnes assistées sociales en guise de moyene pression. Celles-ci doivent donc maintenant sortir de leur région pour avoir accès à ces soins.
Obliger les personnes assistées sociales à parcourir des centaines de kilomètres et de passer d’une région à l’autre en pleine pandémie, avec tout ce que cela implique comme dépenses et dérangement inutile, voilà qui dénote un sérieux manque de jugement.
Avoir des dents n’est pas du luxe. C’est une question de santé et de dignité.
Cela dit, le gouvernement a une large part de responsabilité dans cette histoire.
La non-indexation des tarifs de denturologie est un exemple parmi tant d’autres de sa fâcheuse tendance à laisser se dévaluer les prestations spéciales auxquelles ont droit les personnes assistées sociales.
Un an de quasi-inaction
Voilà maintenant plus d’un an que les personnes assistées sociales sont laissées pour compte malgré une situation de crise sans précédent.
Quelques jours avant le dépôt du budget du Québec, le Collectif a de nouveau cherché à mettre de la pression sur le gouvernement afin qu’il leur accorde une aide financière supplémentaire.
D’abord, en faisant paraître une lettre dans les journaux le 18 mars (tinyurl.com/LumiereTunnel).
nsuite, en prenant part le lendemain à une conférence de presse organisée par le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, à laquelle participaient aussi les porte-parole des trois partis d’opposition à l’Assemblée nationale ainsi que madame Chantal Bernard, une militante assistée sociale (tinyurl.com/FrontCom). Il vaut la peine d’écouter ( à 3 min. 45 sec. ) ce que cette dernière avait à dire. Madame Bernard a connu la violence conjugale. Depuis, elle connait la violence qui vient avec la pauvreté. Ses enfants aussi la connaissent. Ce qu’elle demande au gouvernement, ce n’est pas la lune. Seulement d’arrêter d’ignorer les plus pauvreset « d’assurer à tous un revenu décent, pour que chacun ait une vie digne et ait les moyens de contribuer au Québec de demain ».
En écoutant des témoignages comme celui de madame Bernard, on ne peut s’empêcher de se demander sur quelle planète vit Jean Boulet quand il se dit préoccupé par la situation des personnes assistées sociales. Qu’a-t-il fait pour les personnes qui n’ont pas de dette à l’aide sociale ? Pour celles qui n’ont pas accès à une banque alimentaire ou à un groupe communautaire ? Pour celles qui n’ont pas de contraintes à l’emploi et qui n’ont donc pas besoin d’attestation médicale ? Pour celles à qui les proches ne sont pas en mesure de leur faire des dons? Pour celles qui n’ont pas demandé la
PCU ?…
La réponse tient en quatre lettres :
R
I
E
N.
Dans cette édition de La Soupe au caillou:
Retour sur le budget 2021-2022, qui vient confirmer que le maître mot du gouvernement du Québec en matière de lutte contre la pauvreté est : indifférence.
Un petit bilan des dernières nouvelles concernant l'assistance sociale.