Pour en finir avec la notion de vie maritale
La Saint-Valentin a été l’occasion, encore cette année, de mettre à l’avant-plan l’injustice que subissent les personnes assistées sociales qui vivent sous le même toit que leur amoureuse ou leur amoureux.
Au cours d’une conférence de presse, le Collectif, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, une militante d’Action Plus Brome-Missisquoi et des représentant·e·s des trois partis d’opposition ont dénoncé à tour de rôle les dispositions relatives à vie maritale et défendu l’individualisation des prestations.
Le coût de la cohabitation
À l’assistance sociale, aimer une autre personne n’est pas interdit. En revanche, décider de faire vie commune avec elle entraîne des répercussions financières.
Imaginons deux personnes qui touchent de l’aide sociale.
Si ces deux personnes forment un couple mais n’habitent pas ensemble, chacune d’elles a droit à une prestation individuelle de 708 $ par mois.
Si toutefois ces deux mêmes personnes forment un couple et décident d’habiter ensemble, là, leur situation maritale change. Le gouvernement fusionne dès lors leurs prestations. Les personnes y perdent au change, puisque la prestation d’aide sociale pour un couple est de 1072 $ par mois, soit l’équivalent de 536 $ par personne. C’est donc dire que chaque conjoint·e voit ses revenus diminuer de 172 $ par mois – une fortune, quand on est aussi pauvre – juste pour avoir eu la « folle idée » de se mettre en ménage avec sa tendre moitié.
Les règles entourant la vie maritale ne font pas juste appauvrir les personnes assistées sociales. Elles les contraignent aussi très souvent à ravaler leur dignité.
Imaginons maintenant un couple composé d’une personne à l’aide sociale et d’une personne qui occupe un emploi (ou qui touche une pension ou une rente). Ici le montant de la prestation de la première varie en fonction des revenus de la deuxième. Plus les revenus de travail (ou de pension…) sont élevés, plus la prestation d’assistance sociale est basse. Passé un certain seuil, le gouvernement va même jusqu’à couper complètement la prestation. Or, ce seuil n’atteint même pas la hauteur de la Mesure du panier de consommation, laquelle correspond au revenu nécessaire pour couvrir les besoins de base…
Des couples imaginaires
Si deux personnes assistées sociales sont simplement des colocataires, chacune d’elles a droit à une prestation individuelle de 708 $ par mois.
Cependant, le climat de suspicion étant ce qu’il est à l’assistance sociale (c’est-à-dire permanent), une dénonciation mensongère ou une enquête empreinte de préjugés peut rapidement se traduire par un « concubinage forcé». Il arrive en effet que deux personnes habitant ensemble mais n’entretenant aucune relation conjugale soient malgré tout considérées comme un couple par le ministère, qui fusionne alors leurs prestations. Comme tout ce qui touche l’assistance sociale, faire invalider cette décision peut devenir un véritable parcours du combattant.
Pas juste un appauvrissement
Les règles entourant la vie maritale ne font pas juste appauvrir les personnes assistées sociales. Elles les contraignent aussi très souvent à ravaler leur dignité. En effet, ces règles peuvent entraîner une perte d’autonomie importante. Elles peuvent même aggraver ou prolonger des situations de violence conjugale.
Il n’est donc pas surprenant que, pour éviter de dépendre financièrement de l’être aimé ou de tomber à sa charge et ainsi l’appauvrir, plusieurs personnes assistées sociales choisissent de faire une croix définitive sur l’amour, ou à tout le moins sur la vie commune. Peut-on imaginer décision plus déchirante ?
Une personne, un chèque
Questionné par des journalistes sur le problème de la vie maritale en février 2020, le ministre Jean Boulet avait répondu qu’il allait regarder ce qu’il pourrait faire pour réparer cette injustice.
Questionné un an plus tard sur le même problème, le ministre a de nouveau affirmé être en réflexion.
Ce n’est pourtant pas compliqué. Pour que les personnes assistées sociales aient « droit à l’amour» elles aussi, le gouvernement doit individualiser les prestations. Autrement dit, il doit éliminer les pénalités liées au fait de vivre en couple, en accordant à chaque conjoint·e une prestation équivalente à celle accordée aux personnes seules. Aimer et être aimé·e est un besoin fondamentalement humain. Le ministre Boulet le dit lui-même. Il est temps pour lui de passer de la parole aux actes et de mettre fin à cette iniquité qui dure depuis maintenant 50 ans.
Pour écouter la conférence de presse : tinyurl.com/droit-amour
Un avis et un mémoire
Avec la hausse de 40 cents annoncée en décembre par le ministre Jean Boulet, le salaire minimum passera le 1er mai prochain de 13,10 $ à 13,50 $ de l’heure. Pour le Collectif et les autres organisations membres de la campagne 5-10-15, cette augmentation est non seulement insuffisante, elle est insultante tant on est encore loin des 15 $ de l’heure réclamés depuis bientôt cinq ans.
Les organisations qui mènent la campagne 5-10-15 ont donc fait parvenir un avis au ministre pour lui faire valoir les bénéfices qu’apporterait une hausse du salaire minimum à 15 $, autant pour les travailleurs et travailleuses que pour les finances de l’État.
Pour lire cet avis : tinyurl.com/salmin2021
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Le Collectif a par ailleurs rédigé un mémoire dans le cadre des consultations prébudgétaires du ministre des Finances. Il y est question des engagements pris dans le troisième Plan de lutte contre la pauvreté en ce qui concerne l’amélioration du revenu disponible des personnes assistées sociales, de même que du non-respect de ces engagements par le gouvernement.
Vous l’aurez compris, ce mémoire est la continuation, par un autre moyen, de la campagne du Collectif La MPC (révisée !) : un minimum !
Pour le lire : tinyurl.com/memoire-prebudget