449e édition de La Soupe au caillou
Un ajustement et non une augmentation des prestations d’assistance sociale
décembre 4, 2020
Assistance sociale — Montants pour 2021
Lors de l’étude des crédits budgétaires, en août dernier, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, avait promis une augmentation du montant des prestations d’assistance sociale le 1er janvier prochain. Le ministre n’a pas failli à sa promesse. Il est vrai que le montant des prestations sera alors plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. Toutefois, s’agit-il réellement d’une augmentation des prestations ?
Un ajustement, pas une augmentation
La hausse du 1er janvier prochain n’en est pas une à proprement parler. Dans son troisième plan de lutte contre la pauvreté, le gouvernement a annoncé un « ajustement » progressif des prestations d’assistance sociale sur une période de quatre ans (2018-2021), un ajustement qui à terme représentera une augmentation de 45 $ par mois à l’Aide sociale et de 103 $ à la Solidarité sociale.
Enfin ! le gouvernement augmente le montant des prestations d’assistance sociale, pourrait-on se dire. Hélas, il ne s’agit pas d’une augmentation des prestations. Au dire même du gouvernement, l’ajustement constitue un rattrapage visant à combler « un manque à gagner » dû à une progression du coût de la vie plus rapide que celle des prestations.
Sortons notre calculatrice
On l’a déjà dit mais on le répète : l’assistance sociale, c’est (inutilement) compliqué. Même le tableau qui présente le montant mensuel des différents programmes n’est pas facile à comprendre.
Une des difficultés provient du fait que l’ajustement est inscrit dans une colonne à part, au lieu d’être inclus directement dans le montant de la prestation. Autre difficulté : le montant inscrit dans cette même colonne comprend les hausses des années passées. Le montant ne correspond donc pas à la portion la plus récente de l’ajustement, mais au total des hausses accordées depuis 2018.
Pourquoi le gouvernement procède-t-il de la sorte ? Tout simplement pour garder l’ajustement en dehors du calcul de l’indexation des prestations. En effet, en ce moment, la prestation de base est indexée, mais l’ajustement à la prestation de base, lui, ne l’est pas.
On est ici face à un autre bel exemple d’économies de bouts de chandelle réalisées sur le dos des personnes assistées sociales.
Indexation ≠ augmentation
Les ministres responsables de la Solidarité sociale aiment sortir juste avant le temps des Fêtes pour annoncer une hausse du montant des prestations d’assistance sociale pour l’année suivante. Il faut se méfier de telles annonces. Dans la majorité des cas, la hausse annoncée n’est en réalité qu’une indexation des prestations.
Qu’est-ce qu’une indexation ?
L’indexation est un ajustement des prestations pour permettre aux personnes assistées sociales de conserver, année après année, le même pouvoir d’achat.
Statistique Canada calcule, chaque mois, l’Indice des prix à la consommation (IPC) qui représente la variation des prix d’un panier de biens et services. Ce panier comprend huit composantes majeures: aliments ; logement ; dépeses courantes, ameublement et équipement du ménage; vêtements et chaussures; transports; soins de santé et soins personnels; loisirs, formation et lecture ; boissons alcoolisées, tabac et cannabis récréatif. L’IPC est calculé pour le Canada et pour chaque province et certaines villes.
Les prestations d’assistance sociale sont indexées à partir de la moyenne de l’IPC québécois des 12 derniers mois, qui exclut la composante « boissons alcoolisées, tabac et cannabis récréatif ». Cette moyenne représente le taux (ou pourcentage) par lequel sont multipliés les montants des différentes prestations d’assistance sociale. Le résultat de ce calcul correspond au montant de l’indexation.
Depuis 2012, les prestations sont indexées automatiquement le 1er janvier de chaque année.
Attention!
Il ne faut pas croire qu’en indexant le montant des prestations, le gouvernement se montre plus généreux envers les personnes assistées sociales. Il ne fait que s’assurer que les prestations suivent la variation des prix des biens et services pour éviter qu’elles ne perdent de la valeur avec le temps. L’indexation est donc essentielle, mais n’améliore pas la situation des personnes.
« Pour être heureux et en santé, il nous faut la MPC (révisée !) »
Le 26 novembre, le Collectif a organisé un point de presse devant les bureaux du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, avec le Front commun des personnes assistées sociales du Québec et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). L’objectif était de rappeler au ministre qu’il est inadmissible que plus de 800 000 personnes n’arrivent pas à couvrir leurs besoins de base au Québec.
La MPC comme minimum à atteindre
Tour à tour, les porte-parole du Collectif (Virginie Larivière), du Front commun (Stéphane Handfield) et du FRAPRU (Véronique Laflamme) ont souligné que la Mesure du panier de consommation (la MPC) représente le minimum pour espérer vivre en santé et que tout le monde devrait y avoir droit.
Stéphane Handfield a bien expliqué ce que peut représenter la MPC pour des personnes assistées sociales, dont plusieurs doivent (sur)vivre avec la moitié du montant nécessaire à la couverture des besoins de base : « La MPC, c’est un minimum. C’est pas la grosse vie. C’est être le 26 du mois et savoir que tu vas manger jusqu’au prochain chèque dans 5 jours. C’est pouvoir te chauffer l’hiver. C’est de temps en temps pouvoir dire oui quand on t’invite à aller au resto ou au cinéma, et ne plus être la personne qui vient juste si on paye à sa place. C’est offrir un petit quelque chose à tes petitsenfants à Noël. »
Triple indécence
Par ailleurs, les trois porteparole ont tenu à rappeler que la position du gouvernement était triplement indécente. En plus de tolérer que plus de 800 000 personnes vivent dans le rouge, le gouvernement a refusé de leur accorder la moindre aide financière depuis le début de la crise sanitaire.
Et comme pour ajouter une autre couche de mépris, voilà qu’il refuse d’ajuster ses maigres engagements envers les personnes assistées sociales en fonction de la récente révision de la MPC. (Voir la 448e édition de La Soupe au caillou.)
Virginie Larivière a dénoncé la situation : « Le refus du gouvernement d’utiliser la MPC révisée est proprement indécent car il représente un important manque à gagner pour les personnes à qui l’essentiel manque déjà. Pourquoi cautionne-t-il ainsi l’appauvrissement des gens ? »
Des témoignages en cadeau
À la fin du point de presse, les trois porte-parole ont essayé d’aller porter dix témoignages écrits au ministre Boulet, mais en vain. Les portes étaient barrées et le paquet cadeau a dû être laissé à la porte.
Voici un de ces témoignages, recueilli par le Front commun : « Je me sens abandonnée par mon gouvernement. Comme si moi c’était pas grave que je me prive de manger à ma faim. Comme si c’était pas grave que mon diabète augmente dans le tapis. Comme si c’était pas grave que je sois stressée sur tous les sens. Je me sens comme si le gouvernement se foutait de moi. »
En terminant, le Collectif tient à remercier l’ADDS-QM qui s’est chargée de l’animation entourant le point de presse avec des slogans inédits en faveur de la MPC (révisée !).
En voici quelques-uns :
« Pour être heureux et en santé, il nous faut la MPC. »
« Les prestations doivent augmenter, les nouveaux seuils sont arrivés. » « Boulet devrait se réveiller, et nous donner la MPC. »
Dans cette édition:
1) Présentation de l'ajustement et de l'indexation des prestations d'assistance sociale du 1er janvier 2021
2) Retour sur le point de presse du 26 novembre visant à demander la MPC (révisée!) pour tout le monde