Cette suspension temporaire des mesures de recouvrement va permettre aux personnes touchées de souffler un peu en ces temps particulièrement difficiles.
Une fiction
Le gouvernement du Québec avait annoncé qu’il n’y aurait pas de procédure de recouvrement pour les personnes en mesure de prouver le remboursement de la PCU à l’Agence du revenu du Canada ou la conclusion d’une entente de remboursement avec elle. Mais il y avait un nœud: l’Agence du revenu du Canada n’avait pas (et n’a toujours pas) annoncé de modalités de remboursement. Conclure une entente était donc impossible. La clémence du gouvernement québécois était une pure fiction. Il n’existait aucun moyen d’en bénéficier ! De sorte que des personnes assistées sociales avaient commencé à voir leurs prestations être amputées d’un montant important. Ce qui est ignoble quand on sait que ces prestations ne permettent déjà pas de couvrir les besoins de base reconnus.
Victoire modeste
Comme ça n’arrive pas souvent, il faut célébrer cette victoire du milieu communautaire, même si elle est modeste. Cette suspension temporaire des mesures de recouvrement va permettre aux personnes touchées de souffler un peu en ces temps particulièrement difficiles.
Par contre, cela ne doit pas nous faire oublier le refus scandaleux du gouvernement d’accorder une aide financière d’urgence à l’ensemble des personnes assistées sociales depuis le début de la crise sanitaire. Ni nous faire oublier que, même en temps normal, les personnes assistées sociales sont maintenues dans une misère épouvantable. Prenons donc cette victoire pour ce qu’elle est : la preuve que les mouvements sociaux peuvent faire des gains. Ne lâchons rien.
Aide gouvernementale et COVID-19 — Pour remettre les pendules à l’heure
Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a tenu ces derniers temps des propos quelque peu étonnants, disant publiquement, à au moins trois reprises, être « en constante communication» avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté.
Aussi, selon lui, le Collectif serait « content» des mesures mises en place par le gouvernement depuis le début de la pandémie. Quelques rectifications s’imposent.
Téléphone rouge ?
Il est vrai que le Collectif a eu des échanges avec le cabinet du ministre le printemps dernier. Mais affirmer qu’ils ont été fréquents est pour le moins exagéré, ces échanges se comptant sur les doigts de la main. De plus, ceux-ci ont tous été amorcés par le Collectif, afin d’obtenir des explications ou des informations que le Ministère tardait à fournir. On est loin du téléphone rouge auquel le ministre semble vouloir faire allusion !
Caution morale ?
Chaque fois que le ministre a parlé du Collectif, il était en train de défendre son travail dans le contexte de la pandémie. En brandissant le nom d’un organisme dont la mission est de défendre les droits des personnes en
situation de pauvreté, le ministre cherche-t-il une caution morale pour se mettre à l’abri des critiques ?
Retour à la réalité
Entre les dires du ministre et la réalité, il y a un monde.
Le Collectif est très insatisfait des mesures mises en œuvre par le ministre depuis le mois de mars pour venir en aide aux personnes mal prises financièrement. Et il ne s’est pas gêné pour le dire ni pour faire connaître la mesure qu’il préconisait et préconise toujours. Lettres ouvertes, communiqués et conférences de presse, sur ses propres bases et avec d’autres organisations : le Collectif n’a cessé de réclamer une aide financière d’urgence pour les personnes en situation de pauvreté. Malgré tout, le Collectif s’est buté à un mur d’indifférence.
Mesures insuffisantes
Le ministre Boulet manque rarement une occasion d’énumérer les assouplissements administratifs qu’il a autorisés à l’aide sociale, comme la suspension des mesures de recouvrement ou le maintien des allocations de participation du programme Objectif emploi. Ce qu’il omet de dire, c’est que ces assouplissements étaient temporaires (la plupart ont pris fin en août) et qu’ils sont venus en aide à une partie seulement des personnes assistées sociales, par exemple celles qui avaient des dettes à l’aide sociale ou celles qui venaient d’y atterrir. Pour la majorité des personnes assistées sociales, les assouplissements administratifs du ministre n’ont absolument rien changé à leurs conditions de vie difficiles.
Le ministre aime également rappeler que, depuis le printemps, les banques alimentaires et les organismes communautaires ont reçu des millions de dollars supplémentaires de son ministère. Que des personnes puissent en arracher un peu moins grâce à cette aide, personne ne le niera. Mais que fait-on, parallèlement, pour ceux et celles qui n’ont pas accès aux ressources d’aide alimentaire et aux services communautaires, ou qui ne les connaissent tout simplement pas ? À ce jour, l’aide gouvernementale pour contrer les effets écono- miques de la crise sanitaire demeure insuffisante et laisse des milliers de gens de côté.
Une question d’argent
À propos de ses réalisations depuis le début de la crise, le ministre Boulet a affirmé à l’Assemblée nationale : « On a fait ce qui s’imposait ». Sauf l’essentiel, aurait envie de lui rétorquer le Collectif. Car en temps de pandémie comme en temps normal, la pauvreté c’est d’abord et avant tout un manque d’argent. Pour sortir les familles et les per- sonnes de la pauvreté, et non seulement les aider à ne pas crever de faim, il n’y a pas 36 moyens. Il faut leur transférer plus d’argent. Tant que le gouvernement va détacher la question de la pauvreté de celle des revenus, la lutte à la pauvreté va faire du surplace. Et tant que le gouvernement n’accordera pas à tous et toutes l’équivalent de ce qui est nécessaire pour couvrir les besoins de base recon- nus, le ministre responsable de la Solidarité sociale ne pourra pas dire, sans mentir, que le Collectif est « content ».
In memoriam
Le milieu de la lutte à la pauvreté a perdu un de ses fervents militants avec le décès de Michel-Gilles Paradis, le 12 septembre dernier. Très impliqué dans le milieu communautaire de Rimouski, Michel-Gilles a participé à plusieurs assem- blées générales du Collectif. Lors de la commission parle- mentaire sur le projet de loi no 70 (Objectif emploi), il avait présenté un mémoire dans lequel il défendait avec conviction l’idée d’un revenu social universel garanti. Le mémoire se clôt par ces mots, qui en disent long sur le grand homme qu’il était :
« Personnel- lement, j’ai décidé de consacrer les précieux jours du reste de ma vie à l’amélioration du sort du monde qui vit, comme moi, dans la pau- vreté. Il est temps de faire cap au large,
de lever l’ancre et de naviguer ensemble sur les eaux paisibles de
la prospérité. »
Salut, Michel-Gilles !